L'étrangère

Publié le 9 Mai 2011



On ne doute pas un seul instant du bien-fondé de l'histoire que L'étrangère nous raconte. Si le film ne le dit pas, et c'est là une de ses lacunes, elle est universelle, et peut se dérouler dans n'importe quelle famille traditionnelle de tous les continents et de toutes les cultures.

L'étrangère est un kidnapping. Il nous place dans une situation fermée, nous forçant à en voir les horreurs sans issue possible. L'insupportable fin, surenchère nauséabonde qui vient clore un récit masochiste, est à l'image d'un film qui se plaît à martyriser tout autant son héroïne que ses spectateurs.

Film d'une seul voix à sens unique, démonstration pesante, ne laissant à ses personnages aucune marge de manœuvre, aucun n'évoluant réellement tout au long du récit, L'étrangère provoque le rejet au lieu de la compassion recherchée. La trajectoire d'Umay, se heurtant sans arrêt au mur de sa famille, y revenant sans cesse, s'y cognant de plus en plus violemment, s'en affranchissant à demi tout en demeurant victime, ne suscite pas l'empathie. Ses parents, frères, sœur, que la narration cherche à nous montrer de manière "humaine", se retrouvent tellement enfermés dans leurs archétypes, qu'ils en deviennent abstraits.

Ce fond étouffant n'est sauvé en rien par une mise en scène appliquée, sorte de transposition sans âme des "1000 et 1 trucs du film d'auteur" : piano récurrent, plans fixes silencieux d'un personnage tournant le visage pour exprimer sa profondeur, plans de coupe quasi systématiques, premier plan net, arrière-plan flou et vice-versa, photographie léchée, cadre précis... une jolie mise en scène dont la stérilité se pose en stricte décalage avec l'histoire qu'on nous raconte. On préfère de loin l'inconfort volontaire dans lequel Kechiche nous place dans une Vénus noire dont l'intelligence pré-suppose un choix de mise en scène, un point de vue narratif, du cinéma quoi.

La démarche est tellement lourde qu'on en vient à douter des intentions de la réalisatrice, si elle ne sauvait la face grâce au seul personnage subtil du film, la patronne d'Umay, malheureusement trop en marge. Alors oui, les acteurs sont bons, la belle Sibel Kekilli en tête, oui l'intention est bonne, mais pas le film.

Rédigé par pierreAfeu

Publié dans #Mauvais coups

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C
Comme je le disais sur le blog de mymp, moi aussi vers la fin je me suis sentie "débordée" par ce trop du film, mais il n'empêche que le film concentre par ailleurs un grand nombre de qualités, et notamment les sujets qu'il aborde et développe et l'interprétation de Sibel Kekilli.
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M
On dirait presque une critique à la Chris dis donc ;) En tout cas, à part cette fin qui en rajoute inutilement, j'ai trouvé le film plutôt simple et touchant, et pas du tout pesant ni lourd (parce que franchement, la réalisatrice aurait pu montrer bien pire vu le sujet et la situation...)
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N
Je comprends ton point de vue mais j'ai tout de même été happé par la force qui se dégage du film. Alors oui c'est parfois cliché, et la fin est nulle, mais j'ai tendance à penser que certaines vérités sont parfois bonnes à dire, qu'importe la forme...
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B
c'est parce que la réalité est aussi statique et pesente que l'insoutenable étoufement donne cette impression de sans issue .Toutce que tu critiques est l'essence même de la situation, tel que je l'ai ressenti.
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P
Incendies est une tragédie antique, bordel de merde !!! Combien de fois faudra-t-il vous le dire ? ;-)
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