La conquête

Publié le 20 Mai 2011



Bénéficiant d'une couverture médiatique importante de part son caractère inédit, tourné dans le secret et sorti au grand jour dans un festival présentant aussi un film traversé par l'actuelle femme du Président de la République, La conquête se révèle au final en-dessous des attentes. Il n'est pas raté pour autant et propose même quelques séquences assez brillantes.

Entre cinéma, téléfilm et docu-fiction, le film souffre d'une absence de parti-pris cinématographique et d'une structure un peu bancale. On suit donc en parallèle le jour de l'élection de NS et l'ascension qui l'y conduit à partir de 2002.

Ainsi, la première partie du film est constituée de saynètes se succédant mécaniquement, prétextes le plus souvent à aligner bons mots, paroles emblématiques et sorties mémorables. Entre ce que nous avons effectivement entendu et ce que nous avions deviné, pas de réelle surprise. On met d'ailleurs du temps à entrer dans le film, le temps de s'habituer aux personnages et aux comédiens qui les habitent, qui fait qui et comment, quel est le meilleur imitateur, qui a sa place aux Guignols... Mais une fois la machine lancée, celle du film et celle de l'homme politique, on ne crache pas sur le plaisir de revivre des scènes déjà vues ou d'entrevoir les coulisses du pouvoir. Il faut cependant s'intéresser un minimum à la politique pour y trouver son compte.

Au fur à mesure que le film avance, au fur et à mesure que l'on commence, non pas à s'attacher, mais à saisir le fonctionnement du héros, ce petit homme qui veut qu'on l'aime et qui finira à l'Elysée, ce petit homme meurtri par la femme qu'il vénère et qui l'a jusqu'alors toujours soutenu, ce petit homme colérique mais déterminé, ce petit homme à l'esprit vif et toujours prompt au combat, ce petit homme sans tenue se goinfrant de chocolats, la fiction prend le pas sur le réel, et l'on regrette que le film n'ait pas dès le départ choisi les chemins de traverse plutôt que le strict respect de la vérité, ou pour le moins de la crédibilité.

Car au final, le personnage le plus intéressant du film, celui qui aurait dû en constituer le cœur, c'est Cécilia. Cette femme mystérieuse qui fut d'abord l'épouse de Jacques Martin (!) et aujourd'hui celle d'un publicitaire flasque, meilleure inspiratrice de NS mais allergique aux projecteurs qu'elle fait elle-même venir, fragile et forte, la seule en réalité à s'opposer au petit homme, possède toute la complexité d'une héroïne de cinéma.

D'un strict point de vue de la représentation politique, La conquête ne fait que mettre en images, tel un album illustré de "la politique pour les nuls", ce que l'on sait déjà. Entre un Chirac vieux briscard bonhomme qui peine à se faire respecter, et un Villepin haineux, NS s'en sort très (trop) bien. Le seul qui pourrait se plaindre du traitement qui lui est réservé est bien Villepin. A ce titre, la meilleure scène du film, nous faisant revivre des images très connues mais avec une vraie mise en perspective, concerne le fameux épisode de La Baule, là où NS attendait quand Villepin se baignait. La musique presque fellinienne, le recul pris, l'approche burlesque de la séquence laissent entrevoir ce que le film aurait pu être. La scène de fin et quelques autres réussissent cette distanciation, mais trop nombreuses sont celles qui se contentent de remplir le livre d'images.

Côté interprétation, saluons tout de même le travail de Denis Podalydès, très juste entre imitation et composition, la vraie présence de Florence Pernel, la réussite de Bernard Le Coq et de Michèle Moretti en époux Chirac, et la drôlerie de celui qui fut son conseiller en image, Dominique Besnehard (en Pierre Charon) imitant Royal.

Malgré toutes les réserves qui s'imposent, La conquête demeure intéressant à plusieurs titres, moins brillant que The queen et moins intelligemment distancié que Le caïman certes, mais légitime. Sans doute le reverrons-nous avec plaisir dans quelques années. Et puis, sans savoir comment les équipes de décorateurs ont travaillé, on se dit que l'intérieur des Sarkozy, laid et de mauvais goût, devait bien être tel qu'on nous le présente...

Rédigé par pierreAfeu

Publié dans #Coups moyens

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P
Il se trouve que la politique et ses petites histoires m'ont toujours passionné, ce qui explique peut-être la largesse d'esprit que l'on me reproche sur ce film...
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F
Je te trouve aussi gentil avec "la Conquête" que "La Conquête" l'est avec Sarkozy ;-)<br /> <br /> La séquence à la Baule ("on dirait Ursula Andress dans James Bond...") fait partie, en effet, des rares séquences un peu intéressantes de sous-téléfilm. Si, il faut bien le dire, ya aussi le plan final : aussi laid soit-il, il propose au moins une idée de cinéma, une mise en scène de l'espace... Pour le reste, c'est zéro. Que les décors soient d'un goût de chiotte n'est pas vraiment une qualité non plus ^^<br /> Bref, j'ai autant détesté que Jul. Même la composition des comédiens est inintéressante (Podalydès est un poil décevant, même s'il parvient à sauver les meubles de temps en temps). <br /> <br /> Je suis assez d'accord pour dire que "Le Caïman" n'est pas génialissimme comme film, parce que j'e m'y suis pas mal ennuyé, mais il demeure mille fois plus intelligent que cette guignolade dans son approche de la politique au cinéma. Le dernier tiers, si je me souviens bien (le plus "berlusconien"), était plutôt glaçant.
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J
C'est maitrisé et bien interprété. Mais j'en vois pas trop l'intérêt...
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N
Entre téléfilm et documentaire, oui. C'est pourquoi je ne comprends pas qu'il soit programmé au cinéma. Blague à part, cette scène à La Baule est effectivement intéressante dans ce qu'elle compare la politique au Cirque. Maisje trouve, comme toi, que Cécilia a plus l'étoffe d'une héroïne de fiction que tous les autres.
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B
Même avis que vous tous, avec en prenant du recul, plus de sévérité sur, somme toute un téléfilm du samedi soir sans envergure et cette désagréable idée que ça va dans le sens de NS...
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