La descente
Publié le 18 Mai 2011

Ce qui se passe autour de l'affaire DSK est totalement inédit. Presque 10 ans après la descente en direct des tours jumelles du WTC, la télévision américaine relayée par les médias français et internationaux, nous donne à vivre une singulière expérience. Pour celles et ceux qui aiment le cinéma, et à travers lui les images, le lien entre le réel et la fiction, la représentation du possible ou de l'improbable, cette illustration frontale de la chute d'un homme d'élite est absolument passionnante.
Dimanche, les chaînes d'information françaises n'ont parlé que de ça. Exit l'Eurovision et la Coupe de France (on ne s'en plaindra pas), deux-trois phrases répétées en boucle, maigres informations, ont constitué la musique lancinante de l'info dominicale. Puis vinrent les images surréalistes de DSK sorti menotté du commissariat de Harlem, et les dernières à ce jour, plus incroyables encore, du même homme, mal rasé, le visage marqué, sorte de masque cireux impénétrable, à l'audience du Tribunal de New-York.
Nous pouvions ainsi mesurer en direct la véracité des représentations de la justice américaine vues des milliers de fois au cinéma ou à la télévision. Ainsi, ça se passe réellement comme ça : on accuse quelqu'un qui n'a pas droit à la parole. Que cet homme soit (fut) l'un des puissants de ce monde, celui dont on nous a dit qu'il avait mis la Grèce à terre et dont on dit aujourd'hui qu'il en fut finalement le meilleur allié, cet homme présenté comme providentiel pour un pays n'en pouvant plus de l'insulte qui lui est faite chaque jour par celui qui le gouverne, cet homme pas vraiment de gauche, ami des riches, époux volage d'une ancienne star de la télévision, cet homme des élites ainsi présenté, à terre presque, au même niveau en tout cas que n'importe qui, balancé sans égards dans l'immense machine judiciaire américaine, que ce soit cet homme là rend le spectacle encore plus incroyable.
On peut trouver tout ce remue-ménage insupportable ou passionnant.
C'est insupportable, parce que pendant ce temps le monde n'a pas arrêté de tourner. On n'en parlait plus. C'était comme s'il tournait dans le vide, pour rien. La Libye, la Syrie, l'Iraq, tout ça... plus de nouvelles. C'est tout juste si on parle aujourd'hui de la grossesse tardive de qui vous savez.
C'est passionnant parce que cette confrontation au réel, dans un direct sans cesse répété, ce télescopage entre une sordide affaire de murs et cet homme politique majeur, digne des pires soap ou du meilleur du cinéma, ce feuilleton populaire de la chute d'un homme, qui trouvera l'un de ses points d'orgue vendredi avant de s'éteindre progressivement pour ne plus être qu'anecdotique, pousse tous les commentateurs à réagir dans l'immédiateté.
On sent déjà les directions que la droite s'apprête à prendre, réservée le temps qu'il fallut, bientôt livrée à elle-même dans un déferlement de toutes les haines et de toutes les frustrations. On devine déjà, au-delà de l'embarras et de l'émotion réelle pour certains, la manière dont le PS va s'affranchir de ce bouleversement pour se renforcer... à moins qu'il ne s'effondre, les uns perdus dans la théorie du complot, les autres assommés pour longtemps.
Pour ceux qui sentaient déjà l'étonnante ascension de Monsieur Propre, ce coup de théâtre ne peut que servir un homme à la fois très proche (dans les idées) et très éloigné (dans la manière de vivre) de celui qui vient de tomber. A moins que, les sondages du jour semblant le refléter dans une inexplicable relation de cause à effet (le jour même où le film La conquête est présenté à Cannes), à moins que tout cela ne profite au petit homme qui nous (dé)gouverne.