A bord du Darjeeling Limited
Publié le 23 Mars 2008
Ce sont trois frères : ça se voit, ils ont le même nez. Le film commence par un court métrage situé dans un grand hôtel parisien. Les poses lascives de Natalie Portman nous font tourner de l'oeil. Jason Schwartzman adopte quant à lui un air de chien battu qu'il ne quittera pas. Puis nous sommes catapultés dans une Inde mi-réelle mi-rêvée dans laquelle toute action se résume à une course poursuite entre train et hommes sur un quai de gare. Le ton est donné.
Le film est inclassable mais d'une profonde richesse : pas de bling bling mais des plans minutieusement travaillés, un cadre au millimètre, une multitude de détails innocents mais bourrés de sens, des sons, des couleurs, des regards... Wes Anderson réussit la prouesse d'évoquer un sujet grave avec une apparente légèreté. Mine de rien, il nous parle du travail de deuil, de la douleur de perdre un père, de courir après une mère. Pas besoin de longs dialogues plombants ou de mises au point appuyées. A nous de détourner ce qui se dit, de lire entre les mots, de suivre les regards chargés de sens que ces trois frères plus vrais que nature se lancent tout au long du film.
Jason Schwartzman, Owen Wilson et Adrien Brody sont tous trois exceptionnels : ils sont frères, aucun doute là-dessus. Ils ont pourtant du mal à se comprendre, se confient des secrets deux à deux pour mieux les vendre au troisième la minute d'après, s'épient, se chamaillent les reliques du père : 3 nigauds qui n'ont pas complètement grandi et qui voient la mort en face. La mise en scène est fluide et élégante, légère tout en étant totalement maîtrisée. Symétries, jeux de couleurs, usage merveilleux du ralenti (cet artifice si souvent lourd au cinéma), tout concoure à atteindre la grâce.
Ce film est un pur moment de bonheur, drôle, tendre, touchant, et finalement beaucoup plus profond qu'il y parait. En entraînant ses frères dans ce "voyage spirituel" (prétexte initial), Francis aura atteint son but au-delà de ses espérances : nous faire avancer.