Habemus papam
Publié le 10 Septembre 2011
De même que la France ne se réduit pas à son petit président de la république, l'Italie ne se résume pas à son obscène président du conseil. Voilà qui est dit. Après, on peut parler.
Le cinéma italien a brillé de mille feux de l'après seconde guerre mondiale à la fin des années 70, jusqu'à ce que la télévision privée (aux mains de celui qui détient tous les pouvoirs aujourd'hui), ne l'assassine. Durant plusieurs décennies, un cinéaste solitaire, héritier des grands de la comédie dite "à l'italienne", les Comencini, Monicelli, Risi et autre Scola, s'est échiné à faire (sur)vivre un cinéma qui parle aux hommes, à leurs cœurs et leur fantaisie. Nanni Moretti est désormais moins seul. Depuis quelques années, l'Italie a su nous offrir de très beaux films (citons Gomorra, Amore ou La solitude des nombres premiers), et Moretti continue son chemin.
Habemus papam ne peut être qu'italien. Il transpire cet esprit joueur et fantaisiste qui fait d'un drame une comédie ou qui, à l'inverse, glisse le grain de sable perturbateur dans un rouage trop sérieux pour être pris au sérieux. Dans Habemus papam, les cardinaux sont de vieux messieurs qui se conduisent comme des enfants, copient sur leurs voisins lors du conclave, jouent aux cartes et au volley-ball. Et pourtant le drame se joue en la personne de celui qui ne se sent pas à la hauteur de la tâche qu'on lui assigne : le pape élu ne veut pas être pape, et c'est la merde...
Génial point de départ d'un Nanni Moretti à l'esprit continuellement joueur, qui imagine l'impossible pour mieux en court-circuiter les conséquences, les cardinaux allant jusqu'à convoquer l'ennemi, un psychanalyste athée, pour dénouer la situation, lequel homme de science se trouvera bien impuissant jusqu'à ce qu'il organise un tournoi de volley-ball...
N'en disons pas d'avantage de cette délicieuse fantaisie aussi tendre que burlesque, qui prend le parti de rendre l'église sympathique (mais trop sans doute, puisque le vatican refusa que le film se tourne en ses murs) alors qu'elle ne brille plus désormais que par sa misogynie crasse et son odieuse homophobie.
On retrouve ici le Moretti des débuts, mélange de profondeur, de drôlerie et de mélancolie, cet art du décalage qui n'appartient qu'à lui (le tournoi de volley-ball fait évidemment penser au water-polo de Palombella rossa), et ce goût pour les chemins de traverse. L'acteur-réalisateur, encore une fois merveilleux en psychanalyste perturbé, trouve en Michel Piccoli l'interprète idéal de ce vieil homme déboussolé, un Piccoli qu'on retrouve avec grand bonheur.
Un film délicieux donc, qui malgré quelques faiblesses (les épisodes de théâtre) nous rappelle combien le cinéma italien nous est indispensable.