Another year

Publié le 26 Décembre 2010

Certains font des films comme ils feraient de la dentelle ou de l'ébénisterie. Véritable perfectionniste du quotidien, Mike Leigh appartient à cette famille des artisans du cinéma. Filmeur sans esbroufe, scénariste pointilliste, dialoguiste méticuleux, il nous propose une sorte d'art du non-extraordinaire qui réussit à ne pas être banal. Moins sarcastique qu'un Frears et moins politique qu'un Loach, il les rejoint dans cette tradition d'un cinéma anglais au plus près des "gens normaux", sincère et humaniste.

Baignant dans une atmosphère 100% made in Great-Britain, Another year oppose deux entités : les "heureux" et les "pas heureux", Tom et Gerri et leur fils Joe d'un côté (famille modèle), Mary et Ken de l'autre (solitaires alcooliques), les premiers accueillant les seconds avec bienfaisance, les seconds se raccrochant aux premiers comme à l'ultime bouée de sauvetage.

Tom et Gerri sont bons, drôles, cultivés, attentifs. Ils cuisinent comme des chefs, cultivent leur jardin, débouchent de bonnes bouteilles et s'entendent bien avec leur fils. Mary est seule et névrosée. Sa peur de vieillir la fait boire plus que de raison et parler sans cesse. Personnage secondaire en début de film, c'est autour d'elle que la seconde partie va se construire, à l'instant même où l'arrivée d'un nouveau personnage va tout bouleverser.

Lorsque le fils présente sa bavarde fiancée (sosie de Cécile Duflot, et aussi insupportable !), le cercle familial se referme sur lui-même. De comédie tendre, Another year se transforme en drame sans même qu'on s'en rende compte. D'un enterrement sordide à un dernier plan magnifique et glaçant, le film glisse imperceptiblement d'un versant à l'autre.

Porté par un formidable casting, délicieusement ponctué de "did we ?", "do you ?" "am I ?", délicatement arrosé de thé brûlant et de Chardonnay doré, Another year se savoure sans modération.