The artist
Publié le 16 Octobre 2011
Présenté comme un projet fou, presque une gageure, The artist prenait un risque bien plus considérable que celui du simple film muet en noir et blanc. En réalité, le
risque était double : celui de la caricature et celui de la nostalgie. Caricaturer le cinéma muet avec "l'esprit Canal" n'aurait eu aucun intérêt et ne pouvait en aucun cas tenir la longueur d'un
long métrage. Jouer la nostalgie à la Barratier avec son lot de naphtaline à la "c'était mieux avant" aurait été juste puant.
La réussite d'Hazanavicius tient dans une règle simple : le respect du genre. The artist est un mélodrame et répond aux règles du mélodrame. Mais il n'est pas seulement
ça. The artist n'est pas du copié-collé, mais la relecture d'un cinéma immensément populaire par le prisme d'un regard résolument contemporain. L'histoire du film est celle de George
Valentin, "un artiste, pas une marionnette", qui refuse tout simplement de parler. Il ne parle pas parce qu'il est acteur de muet. Mais il ne parle pas tout court parce que le monde
autour ne lui parle pas. Lui est ailleurs, dans cette part de rêve que le cinéma offre, dans cet univers totalement fabriqué qui lui a offert la gloire.
La première qualité du film est sa pureté. Pur dans ses intentions, pur dans la simplicité de son histoire (narration classique du "rise and fall" figure centrale du mélodrame),
pur dans son interprétation, The artist ne triche pas, ne cherche pas l'esbroufe, en résumé, ne prend pas le spectateur pour un con. C'est un peu comme si Hazanavicius
nous invitait à participer avec lui à une grande récréation (et re-création) joyeuse et sans arrières pensées.
Ce n'est pas une surprise, après les réussites que furent les deux OSS 117, le réalisateur français se fait une haute idée du cinéma populaire. Rigoureux dans sa narration, audacieux
dans ses choix, inventif dans sa mise en scène, soucieux du moindre détail, il démontre à nouveau ici la justesse de son talent. Film aux mille trouvailles, du chien savant au
cauchemar de Valentin (fantastique !), du jeu avec la veste aux retrouvailles finales, The artist se permet des scènes dramatiques fortes et ultra codifiées (la contre-plongée de
l'incendie, la découverte des souvenirs, l'après cauchemar) sans jamais verser dans le ridicule, sans copier, sans se la péter. Plus tendre que drôle, mais souvent drôle,
attentif aux personnages, léger avec sérieux, le film se déguste avec un plaisir sans faille du début à la fin.
The artist, c'est évidemment Jean Dujardin, une nouvelle fois fantastique, cabotinant juste ce qu'il faut, aussi drôle qu'attachant, totalement dans son personnage. À
ses côtés, explosant sans doute pour la première fois, Bérénice Bejo se hisse au même niveau que lui, aussi juste et touchante, légère comme une plume, profonde,
intense. Notons également l'impayable John Goodman et les excellent(e)s James Cromwell, Penelope Ann Miller et Missi Pyle.
Porté par une croyance indéfectible, d'une pureté presqu'enfantine, juste et sincère, The artist est une totale réussite. Du bonheur sur grand écran. Du cinéma, quoi.