Tabou
Publié le 6 Décembre 2012
Tabou est un film portugais en noir en blanc, tourné pour moitié en 16 mm, et comportant une partie quasiment muette. Présenté ainsi, il entre directement dans la catégorie AAA du cinéma
d'auteur. Mais comparé à l'imposture Holy motors, Tabou n'est pas dans la posture. Radical, le film de Miguel Gomes assume pleinement, mais avec humilité, ses partis
pris artistiques.
Cela n'en fait pas pour autant un film réussi. Maintenu constamment à distance, le spectateur peine bien souvent à entrer dans une histoire pourtant assez simple. Entre
l'aujourd'hui grisâtre et l'hier ensoleillé, la peinture nuancée du quotidien pas très gai de trois femmes d'origines et d'âges différents, et le passé romanesque de l'une d'elles dans une
Afrique fantasmée, les deux temporalités se succédant l'une à l'autre, Tabou se construit sur un fil narratif classique - la fin de vie, le flash-back.
La première partie est d'abord intrigante. Placé au centre, le personnage d'Aurora questionne par son mystère et ses délires. Mais, comme on comprend bien vite que la seconde
partie lui sera entièrement consacrée, l'intérêt que l'on porte aux deux femmes qui l'entourent disparaît aussi rapidement qu'il est apparu.
La seconde partie, donc, raconté en voix-off, radicalise le film. Pas de paroles in, le son se fait ambiance, musique, cris d'animaux. Le choix est audacieux et plutôt casse-gueule (il faut supporter l'omniprésence du narrateur), mais cela fonctionne. Les images sont magnifiques et l'histoire est profondément romanesque (mais pas originale), tandis que le procédé, nous maintenant toujours à distance, court-circuite toute émotion. Stimulé par la forme mais insensible au fond, le spectateur se contente alors d'un plaisir purement esthétique.
En résumé, si Tabou possède de grandes qualités cinématographiques et une identité forte, il ne parvient jamais à nous secouer. N'apportant ni souffle ni sang neuf, il se contente d'être un bel objet qui brille un peu.
Film vu dans le cadre du Festival des Festivals organisé par Christoblog.