Incendies

Publié le 13 Février 2011



Sans savoir qu'Incendies est adapté d'une pièce de théâtre, on ne pourrait pas le deviner. Et pourtant si. Pas dans la forme, ni dans la narration, mais dans son essence même. Incendies est une tragédie antique, une parabole sur la guerre et ses méfaits, un récit édifiant qui voit les fils coucher avec leurs mères et tuer leurs pères... Et même si le récit donne le sentiment d'un regard réaliste sur la guerre du Liban, il ne faut pas se méprendre. Ceux qui y ont cherché de la vraisemblance s'y s'ont brûlé les doigts et sont passés à côté. La révélation finale ne s'accepte que sous cet angle. Incendies n'est pas un thriller ! 

Le film brasse donc toutes les thématiques de la guerre, qu'elle se situe au Liban ou ailleurs, de l'enfant soldat devenu tortionnaire à la femme rebelle humiliée. En enserrant toutes ces violences dans un drame familial, le récit opère sa métaphore, les guerres n'étant que luttes fratricides absurdes et destructrices.

Dans la forme, le film oscille entre plusieurs styles sans jamais véritablement se définir, à moins qu'il ne se cherche ainsi différentes manières d'aborder son sujet. Débutant par une séquence qui peut être aussi bien belle et cruelle que déplacée ou ridicule, le film se construit sur un aller-retour continuel entre un frère et une sœur jumeaux confrontés au passé de leur mère, et le récit singulier de cette mère en pleine guerre du Liban.

Plutôt dynamique tout en donnant le temps au récit d'avancer, la mise en scène sait se faire discrète lorsqu'elle se confronte à l'horreur, lui préférant quelquefois le hors-champ. Loin d'être parfait, plutôt lent à démarrer, quelquefois maladroit, notamment dans la composition de la BO (Radiohead un peu comme un cheveu sur la soupe), le film n'en demeure pas moins une entreprise particulièrement intéressante sur les liens entre théâtre et cinéma, et sait nous questionner encore sur les questions essentielles d'une mythologie que l'homme s'est construite pour mieux se comprendre.

Rédigé par pierreAfeu

Publié dans #Bons coups

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B
J'ai été hyper déçu ! Le film serait beau et presque réussi.... mais cette fin est d'un plus nul que j'ai du revoir trois fois la scène de la révélation 1 + 1 = 1 Sidérant ! Les aller-retour alourdissent aussi inutilement. Presqu'un bon film, mais bof ! dommage
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F
Bien sûr qu'il ne faut pas stigmatiser l'invraisemblance du film. Le meilleur parallèle à faire, comme tu le dis justement, est avec la tragédie grecque, reine des coïncidences énormes qui n'en sont pas vraiment (mais plutôt des "coups du sort", au sens premier du terme) : Oedipe croisant son père "par hasard" sur les routes avant de le tuer, par exemple, faisant écho dans le film à la scène de rencontre "fatale" à la prison. <br /> De ce strict point de vue là, j'ai trouvé la construction du récit très habile, jusqu'à ce fameux "talon tatoué" de la piscine (beau motif par ailleurs, qui revient tout le long du film). Chris n'a pas apprécié, mais moi ça me fait presque penser à la reconnaissance d'Ulysse par sa nourrice dans "l'Odyssée" (c'est en lavant ses pieds qu'elle reconnaît Ulysse...). Le problème (mineur) du film demeure ses passages au présent, redondants par rapport à l'histoire racontée au passé.<br /> <br /> Même les fameux intermèdes Radiohead ne m'ont pas plus irrité que ça. On les a parfois comparé à un spot "Amnesty International" de mauvais goût, mais c'est justement ce qu'un spot publicitaire ne serait pas : un parti-pris esthétique, presque un geste artistique. Maladroit peut-être, mais ça a marché sur moi, ça renforce le "pathétique" tragique tout en lui donnant une coloration moderne. Ce qui ne veut pas dire que TOUT est permis (genre Danny Boyle dans "Slumdog millionaire", pour ne citer que lui) ; mais quand ça sert à peu près le propos (comme ici) et quand c'est bien foutu (comme ici : mise en scène globalement inspirée et puissante, malgré quelques lourdeurs), alors ça passe.<br /> <br /> L'une des choses qui m'a frappées dans ton article, c'est quand tu parles d'une "entreprise" sur les liens entre théâtre et cinéma : je n'y avais pas pensé, je n'ai pas vu le film sous cet angle-là, mais maintenant que tu en parles, il est vrai que le film propose ces réflexions. Pour ma part, "Incendies" est l'une des réactualisations de la tragédie grecque les plus radicales et les plus convaincantes que j'ai pu voir ces dernières années.<br /> <br /> Mon petit favori pour l'Oscar du meilleur film étranger, loin devant "Hors-la-loi" (et suite à l'absence regrettable de "Même la pluie", éliminé de la compèt en demie-finale, ou de films admirables comme "Oncle Boonmee").
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J
J'ai bien aimé ce film, plutôt cruel et poignant.<br /> La pièce - m'a ton dit - est une pure merveille.
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N
J'ai trouvé également le film assez brillant, bien que brouillon parfois. Cette chanson de radiohead m'a également "choqué", mais au final le film possède beaucoup d'atouts.
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P
Chris : c'est une tragédie antique, pas un thriller... Combien de fois faudra-t-il te le répéter ? ;-)
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