Le musée des merveilles

Publié le 20 Novembre 2017

Le musée des merveilles

Il y a six ans, Scorsese adaptant Brian Selznick réalisait l'un de ses plus beaux films, le magique Hugo Cabret. Avec le romancier à l'écriture du scénario et le styliste Todd Haynes à la mise en scène, Wonderstruck sonnait comme une sublime promesse... Mais la magie n'opère pas.

Malgré d'indiscutables qualités formelles, le souffle romanesque qui aurait dû porter le film ne parvient jamais à se déployer. La faute en revient probablement à un scénario dont la mécanique alourdit considérablement le propos. L'alternance systématique entre les deux périodes, très présente dans la première partie, empêche chacun des récits de respirer. Prenant les allures d'une fable, l'histoire racontée appelait la simplicité d'une narration linéaire, suivant d'abord Rose en 1927, puis Ben en 1977. Le premier temps, imprimant la mémoire du spectateur, aurait nourri le second, les connexions devenant évidentes, la beauté du conte éclatant alors dans toute sa pureté.

Au lieu de cela, Le musée des merveilles ne cesse de hoqueter, avançant à coup d'élans brisés, relancés, rompus à nouveaux, peinant à prendre leur envol, étouffant avant de sembler enfin prendre l'air dans une dernière partie qui aurait dû bouleverser mais qui tombe à plat.

Connu pour son goût des "reconstitutions d'époque", Todd Haynes compose avec deux périodes séparées de 50 ans. Si l'année 1977 brille de mille couleurs et impressionne jusque dans la texture de l'image, le choix de filmer 1927 en noir et blanc s'avère bien plus discutable. Certes, le rapprochement avec le cinéma muet s'entend, mais le parti pris visuel s'enferme dans une imagerie rétro qui ajoute à la lourdeur narrative.

Quant au travail sonore, intéressant dans sa volonté de traduire la perception des personnages, il souffre lui aussi d'un systématisme qui en réduit la pertinence (alternance d'ambiance générale et d'ambiance assourdie), la musique omniprésente (semblant parfois combler la judicieuse absence de dialogues) devenant elle-même un peu pesante.

Et puis, il serait temps de laisser Space Oddity tranquille et de passer à autre chose...

Il faut évidemment souligner la grande qualité d'interprétation des jeunes Oakes Fegley et Millicent Simmonds, incarnant l'un et l'autre une enfance intrépide mais fragile dans sa volonté de renouer des liens disparus.

Forcément à la hauteur de l'attente, la déception naît d'une immense frustration, celle du film merveilleux que Todd Haynes aurait pu offrir mais qu'il n'a pas réalisé.
 

Rédigé par Pierre Guiho

Publié dans #Coups moyens

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F
Pas mieux ! ;-)
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