Coffret Bruce LaBruce

Publié le 6 Décembre 2016

Coffret Bruce LaBruce

Le grand public a peut-être découvert Bruce LaBruce il y a deux ans avec le délicat et romanesque Gerontophilia. Loin de dissoner dans la filmographie du cinéaste canadien, cette histoire d'amour hors norme illustre le caractère profondément romantique d'un auteur libre et audacieux, parfois trash, parfois provoquant, toujours sincère.

En réunissant dans un coffret de 4 DVD les trois premiers longs métrage de Bruce LaBruce et un documentaire lui étant consacré, Epicentre Films nous permet de revenir sur l'œuvre trop méconnue d'un cinéaste aux inspirations multiples.

Coffret Bruce LaBruce

No skin off my ass
(1991)

Le cinéma underground se conjugue toujours avec l'absence de moyens dans une combinaison de contraintes et de liberté. Tourné en noir et blanc et entièrement post-synchronisé, le premier long métrage de Bruce LaBruce fonctionne comme un fantasme, le corps du jeune skinhead mutique rencontré dans un parc par le coiffeur LaBruce étant constamment filmé en objet de désir. Si le coiffeur est fétichiste et s'intéresse aux skinheads, sa démarche est autant esthétique que sexuelle. Le film est un mouvement de va-et-vient entre romance naïve, fascination pour le corps et manifeste esthétique aux résonances politiques.

La sœur du skinhead, interprétée par G.B. Jones (complice de LaBruce au sein du mouvement Homocore), est lesbienne, tagueuse et cinéaste. Le pitch faisant ici directement référence au film d'Altman That cold day in the park (dont le générique est monté en parallèle en début de récit), on mesure la volonté affirmée de LaBruce d'embrasser le cinéma dans son entièreté. S'il révèlera plus tard que beaucoup de répliques de ses premiers films provenaient de films existants, on comprendra que ces emprunts relevaient davantage de l'hommage que de la contrefaçon.

Coffret Bruce LaBruce

Super 8 1/2
(1994)

Bruce LaBruce met à nouveau en scène une cinéaste underground, Googie, réalisant un biopic expérimental sur une ex star du porno qu'il interprète sous le nom de Bruce. Mêlant scènes plus ouvertement pornographiques, vraies fausses interviews de performeurs des deux sexes et séquences illustrant la filmographie de ses personnages, LaBruce combine à nouveau le noir et blanc puis fortuitement la couleur avec une bande son déstructurée, mais sa démarche formelle est clairement plus ambitieuse.

Profondément ironique, Super 8 1/2 se décline comme un soap opera queer "nouvelle vague" mal élevé dans lequel des lesbiennes exploitent et humilient des gays sous prétexte d'avant-garde. À ce titre, tout le monde en prend pour son grade, LaBruce faisant en sorte d'échapper à toute récupération en dynamitant constamment son discours.

Coffret Bruce LaBruce

Hustler white
(1996 - co-réalisé avec Rick Castro)

Bruce LaBruce y incarne un écrivain arrogant enquêtant sur le milieu de la prostitution à Los Angeles. Sa rencontre avec Monti (Tony Ward, alors boyfriend de Madonna) va révéler en lui des pulsions romantiques insoupçonnées tandis que le film nous fait découvrir diverses pratiques fétichistes dont certaines fort originales. C'est d'abord un film burlesque dans lequel LaBruce n'hésite pas à camper un personnage presque ridicule dont la posture caricature l'artiste qu'il est lui-même - son nom, Jürgen Anger, faisant directement écho à Kenneth Anger, l'une de ses références cinématographiques.

Toujours bricolé mais formellement inventif, riche d'une bande son tonitruante, Hustler white est le parfait représentant d'un cinéma underground jouissif et vivifiant un peu trash, un peu porno, un peu arty qui évoque tout autant John Waters que Gus Van Sant. Drôle, sexy et borderline, LaBruce trouvant là un point d'équilibre entre la forme et le fond, Hustler white est totalement jouissif !

Coffret Bruce LaBruce

The advocate for fagdom
(2011 - réalisé par Angélique Boslo)

Passionnant documentaire qui revient sur la carrière du cinéaste jusqu'à L.A. Zombie. On y croise beaucoup de celles et ceux qui ont travaillé avec lui ainsi que Gus Van Sant, John Waters, Harmony Korine, Bruce Benderson et bien d'autres. LaBruce et les différents intervenants dressent ainsi le portrait d'un artiste cultivé et intègre (donc parfois contradictoire) dont la volonté a toujours été de brouiller les cartes et de bousculer les codes entendus, qu'ils soient hétérosexuels ou gays. Si son cinéma est porno, c'est du porno politique tant sa démarche est transversale et libre, résolument féministe, jamais réductrice. On mesure alors l'influence qu'il exerce sur d'autres artistes (le photographe Ryan McGinley, par exemple), et le caractère indispensable d'une œuvre libre et inclassable.

 

Bonus

Parmi les nombreux bonus figure un entretien très récent de Bruce LaBruce qui revient sur ses multiples influences et porte un regard rétrospectif sur ses premiers films. Son amour du cinéma et sa démarche artistique toujours politique s'y révèlent sans posture.

Ce coffret au bel habillage graphique permet de mieux comprendre le parcours et l'influence d'un cinéaste à la marginalité assumée dont on attend le prochain long métrage avec impatience.

> Le coffret en détail sur le site d'Epicentre Films.
À noter que c'est une édition collector numérotée.

Coffret Bruce LaBruce

Rédigé par Pierre Guiho

Publié dans #DVD-BR, #Bons coups

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